Thème du colloque

L’unité de recherche « Interactions culturelles et discursives » (ICD EA 6297) s’est enagée dans un nouveau programme intitulé « Libertés » à partir de 2018, année qui coïncide à la fois avec le 170e anniversaire de l’abolition de l’esclavage en France grâce à l’action de Victor Schœlcher (décret du 27 avril 1848), et avec le bicentenaire de la naissance de l’abolitionniste américain Frederick Douglass. À cette occasion, elle organise un colloque sur le thème « Esclavages et antiesclavagismes », au croisement de diverses disciplines : philosophie, histoire, littérature et arts, études culturelles. On s’en tiendra à l’institution de l’esclavage et à la condition de l’esclave comme être possédé par un maître, comme objet d’acquisition, de vente ou de cession, sans élargissement métaphorique aux notions d’esclavage moral et de servitude volontaire, ou d’exploitation de l’homme par l’homme. On examinera différents systèmes esclavagistes dans le temps et dans l’espace. Les périodes concernées sont les suivantes : Antiquité gréco-romaine et Moyen Âge, modernité et époque contemporaine ; les aires géographiques : pourtour méditerranéen et monde arabo-musulman, Afrique et Amériques, Europe.

Un premier axe d’étude regroupera les considérations théoriques et les discours idéologiques : définitions de l’esclavage (et distinction ou équation avec le servage, ou aux Amériques les serviteurs sous contrat), justifications esclavagistes (sociales, économiques, religieuses, raciales, pseudo-scientifiques) et argumentations antiesclavagistes (parfois ambiguës). Quelles anthropologies, explicites ou implicites, sous-tendent les discours de légitimation ? Quels sont les référents philosophiques, religieux et éthiques de la critique de l’esclavage ? On fera la part des aménagements « humanistes » du système esclavagiste, et d’une véritable remise en cause de ce système. On pourra analyser la manière dont l’esclavage antique a été interprété et utilisé par les défenseurs de l’esclavagisme comme par les abolitionnistes (voir l’exemple d’Henri Wallon). On s’intéressera précisément aux apports et aux limites des dénonciations de la traite négrière et de l’esclavage à l’époque des Lumières ; fondation, fonctionnement et production de la Société des Amis des Noirs. On portera une attention particulière à l’écriture de témoignage sur l’esclavage – journaux de voyageurs et mémoires qui constituent un « patrimoine franco-américain ». On mesurera aussi le rôle des autobiographies et récits d’esclaves (slave narratives) dans les écrits abolitionnistes.

Sur un deuxième axe, on étudiera les réalités historiques : du trafic méditerranéen à la traite négrière ; les révoltes d’esclaves et leurs grandes figures (Spartacus, Toussaint Louverture, Nat Turner…) ; la dynamique de la Révolution française aboutissant au décret de 1794, avant le rétablissement de l’esclavage par Bonaparte, et la longue occultation de cette première abolition ; les formes de communication entre esclaves caribéens et « continentaux », en particulier lors de la guerre d’indépendance en Haïti ; le marronnage sur le continent américain ; les solidarités entre Noirs libres et esclaves, entre nations indiennes et marrons ; les Noirs à la tête de plantations et même propriétaires d’esclaves.

Une troisième orientation concernera les diverses représentations de l’esclave et de l’esclavage : iconographie, théâtre, roman, petit et grand écran – ainsi que dans les visites organisées de plantations ; le Minstrel show et sa place dans l’imaginaire américain, du xixe au xxie siècle ; ambiguïtés des représentations de l’esclave (généralement masculines aux États-Unis) par les mouvements abolitionnistes dans leur propagande.

Une quatrième direction portera sur la question du genre (gender) : par exemple, sur la place faite, dans les écrits abolitionnistes et pro-esclavage ainsi que dans les ouvrages d’historiens, à l’esclavage sexuel des femmes ; la coutume du plaçage à la Nouvelle-Orléans et ses représentations dans la culture populaire ; l’interdit et le déshonneur qui pèse sur l’union entre femmes libres et esclaves masculins (de l’Antiquité romaine à l’Amérique esclavagiste).

En cinquième axe, un prolongement sera envisagé sur les réalités contemporaines de l’esclavage. Enfin, une table ronde sur la question des réparations (du point de vue historique et actuel), sera animée par Louis-Georges Tin, président du CRAN (Conseil représentatif des associations noires de France).

 

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